La Bellone

Modules 2022

Initié avec la complicité de Camille Louis

Objectifs spécifiques des séminaires
Plus qu'à une histoire ou à une théorisation de la dramaturgie, les participant.e.s sont ici invité.e.s à saisir, cerner et pratiquer la dramaturgie en s'essayant à la fois à dresser une cartographie des pratiques dramaturgiques et à pouvoir s'y situer. Il s'agit ainsi non pas de définir une pratique qui, en tant que telle, sort du cadre définitionnel puisqu'elle n'a pas de « fins » et de contours fixes et figés – ceux-ci bougent selon les modalités d'activation dramaturgique (au plateau, en institution, dans la conception de dispositifs divers...) – mais plutôt de proposer une méthode de double singularisation : singulariser ce qui fait, aujourd'hui, le paysage dramaturgique et ainsi voir apparaître, pour chacun.e, ce qui singularise sa propre méthode de faire. À partir de là s'entame un chemin d'étude situé, le long duquel le/la participant.e peut davantage reconnaître la spécificité de sa méthode, de ses outils mais aussi, par-là, expérimenter d'autres manières d'en faire usage ou de les affiner en regard des spécificités des autres.

Les séminaires : 4 correspondants à des activations de la dramaturgie aujourd’hui.

Orientation : partage de savoir et mise en expérimentation. Partir d’une problématique à laquelle le ou la praticienne invité.e fait face et ouvrir cette recherche ou réflexion plutôt que de faire une présentation d’un savoir. Mise au travail et mise en partage plutôt que d’une formation académique.

Chaque séminaire, étendu sur une semaine implique :

-L'intervention d'un.e praticien.e dramaturge, choisi.e et invité.e en ce qu'il, elle active l'une des modalités spécifiques de cette activité et peut ainsi en dresser les enjeux singuliers auprès des participant.e.s.

-Il s'agit aussi, pour chaque intervenant.e, de pouvoir mettre en partage des outils, des protocoles de recherche et d'écriture ou encore de proposer des situations permettant l'application de ce type-là de dramaturgie.
Chaque module incarne ainsi, à l'échelle concentrée d'une semaine, l'esprit général et transversal du programme « Pratiques dramaturgiques » : une circularité entre exposé et pratiques, entre parole de l'un.e et ressaisie collective, partagée de questionnements et expérimentations. Il s'agit de se mettre, au sein d'un espace de recherche et création artistique, en état « d'étude », c'est-à-dire d'alliance entre
« enquête » et « application » (cf. étymologie du mot).

Les modules seront donc toujours structurées en au moins deux temps : un temps « à la table » dans lequel le groupe est rassemblé pour se mettre à l'écoute et à la discussion d'une question, d'une problématique ; un temps d'expérimentation qui peut conduire les participant.e.s à un travail propre d'écriture, à une fréquentation d'une réalisation de plateau ou encore à la visite d'un autre lieu artistique ou un autre contexte selon le type de « dramaturge » qui intervient sur chaque module.

François Makanga du 7 au 11 mars
En non mixité choisie pour personnes non-blanches

Le théâtre, sa langue, sa dramaturgie comme medium d'émancipation décolonial et non-aligné : un atelier de palabres et d'introduction aux auteur.ice.s d'Afrique et des Caraïbes.

La diversité est-elle une variable d’ajustement au théâtre ?

Quel est l'historicité des corps racisés sur les scènes européennes ? Son continuum dans l'approche scénique et dramaturgique contemporaine ?

Existe-t-il un théâtre « africain et caraïbéen » ? Si oui, comment les artistes africaines, afropéens ou
« complices » s’en sont-ils emparé de la période coloniale à nos jours ? Quelle place leur est octroyée dans les institutions théâtrales ? Quelles nouvelles pratiques dramaturgiques voient le jour en réponse à ces questionnements ? Je vous proposerai Au fil de la semaine, et par le biais du répertoire théâtral d'Afrique, je vous proposerai des lectures, une liste de spectacle à aller voir, des films, réflexions ainsi que des rencontres avec différents artistes.

François Makanga est comédien, acteur, chanteur, guide-conférencier à l’Africa museum et au Bozar. Il est aussi un activiste culturel qui allie convergence et sensibilisation des enjeux décoloniaux dans la création artistique européenne. C'est autour de l'université que ce journaliste de formation a développé sa transdisciplinarité artistique, entouré de transmetteurs de renom (Dominique Serron pour le théâtre ou Jean-Louis Daulne, Didier Likeng, Emmanuel Job pour le gospel et le chant a capella). En dehors de son expertise décolonial, il se focalise sur sa carrière d'acteur (2018 série tv rtbf « Champions » dernièrement au côté de Mourad Zeguendi, 2014-2016 série tv vtm « Cordon » au côté de Verle Baertens) et de comédien (« Boîte de jazz » au côté de Jacques Mercier de 2013-2015).

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Elise Simonet du 25 au 29 avril

" Conversation is when you don’t know what the next thing the person you are with is going to say "
John Cage

Il existe autant de manière de pratiquer la dramaturgie que de rencontres et de créations au sein desquelles elle est convoquée. Invitons-la ici comme une pratique de la conversation, et faisons de nos premiers outils nos bouches et nos oreilles. Comment partager une conversation ? Comment en tisser les fils ? Comment accompagner nos intentions artistiques en creusant la parole, en nommant la pensée ? Quelle collaboration se joue dans un partage soutenu de questions, parfois même les plus simples ? Pour collaborer en conversation, il faut converser « en contexte » , c'est-à-dire ouvrir la conversation aux éléments parfois moins visibles qui l'entourent et qui la font. C’est la rendre poreuse aux lieux, aux événements extérieurs, aux timbres des voix et aux évocations. En nous attachant au travail de la parole et de l’écoute, il s’agira d’accueillir l’oralité en prêtant attention à ses accélérations, ses hésitations, ses répétitions, ses silences et ses interruptions comme autant de signes de l’élaboration de la pensée et de la clarification de l’expérience. Car à l’inverse de l’écriture qui rature et supprime, en oralisant, je précise et j'ajoute, sans effacer. C'est cette force croissante et accumulative qui entraine la conversation. Et car nous ne travaillons jamais seul•e•s mais bien «en relation» et en subjectivités partagées, ce module sera nourri de nos échanges, en groupe et en duo, ainsi que de partages de textes et d’enregistrements des allié•e•s de pensée qui accompagnent nos recherches et nos interrogations.

Formée en mise en scène et scénographie à Bordeaux, Elise Simonet travaille aux côtés de différents artistes dans le domaine du spectacle vivant, en tant que dramaturge et collaboratrice artistique. Depuis 2010 elle a accompagné entre autres le travail de Thibaud Croisy, Anne-Sophie Turion et Jeanne Moynot, Mylène Benoit, Nina Santes et Célia Gondol, Halory Goerger, Emilie Rousset, Dominique Gilliot et Valérie Mréjen, le groupe Aquaserge. Membre du groupe de l’Encyclopédie de la parole depuis 2013, elle y développe sa recherche sur l’oralité et les documents de paroles enregistrées dans le spectacle vivant. Elle est la collaboratrice artistique de Joris Lacoste sur le cycle des Suites Chorales et co-signe les versions multiples de Jukebox depuis 2019. En 2015 et 2016, elle co-programme le festival TJCC, avec Joris Lacoste, au Théâtre de Gennevilliers. En 2012 elle crée Mon cauchemar, une pièce sonore et visuelle à partir d’une collecte de rêves étranges. Depuis 2017 elle mène un projet de conversations associées à un jeu de cartes dessinées par Léo Gobin: le premier volet Parler la musique engage des conversations avec des musiciens et paroliers; le deuxième volet, De l’usage infini de moyens finis puis Converser engage des conversations avec des polyglottes et questionne les langues, dans leur usage intime et public (Bruxelles-2018, Fribourg-2019, Strasbourg-2021). En tant que dramaturge, elle a été invitée aux Cliniques Dramaturgiques par Jessie Mill lors du FTA Montreal en 2018, à 1:1 par Sarah Israel au PAF Berlin en 2019 et 2020, et co-organise les Cliniques Dramaturgiques du Festival Short Theater à Rome avec Riccardo Fazi et Jessie Mill en 2020. En 2021 elle concoit avec Antoine Cegarra et Leyla Rabih le projet collaboratif ARK (curaté par Quarantine dans le cadre du programme européen Moving Borders) dans sa version française, au Maillon, Strasbourg.

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Jonathan Chatel du 23 au 27 mai

À travers des partages de documents visuels ou textuels mais aussi des récits d’expériences autour de mes créations passées et à venir (Communauté de S. Prudhomme et Kaïa de J. Châtel), je voudrais dessiner une pratique de la dramaturgie consistant à déjouer tout ce qui peu ou prou se cristallise dans les modes de pensée, pour arriver à une attitude portée par un sens de la nuance et par le principe d’aporie : la dramaturgie comme fin des discours mais aussi début d’une parole propre. Je voudrais également porter l’attention sur une notion qui, je crois, sera fructueuse pour des explorations collectives : celle de « fatigue ». La fatigue recèle des énergies contradictoires (épuisement ou lassitude, elle peut aussi inventer des mondes nouveaux), elle offre des dimensions multiples (esthétique, sociologique, philosophique) ; elle questionne, au plus profond, notre rapport au corps et au temps et m’apparaît comme un affect majeur des scènes contemporaines.

Franco-Norvégien, Jonathan Châtel vit et travaille entre Paris, Bruxelles et Oslo. Il a reçu une formation d’acteur, en philosophie et en études théâtrales. Membre fondateur de la revue Geste, il a écrit de nombreux articles pour des publications françaises et internationales. Créateur multiple, il a écrit le roman graphique Kirkenes (dessin Pierre-Henry Gomont), a publié un essai sur Henrik Ibsen en 2015 (Henrik Ibsen, le Constructeur, éditions Circé) et réalisé des films documentaires et expérimentaux (Les réfugiés de la nuit polaire en 2014 et Ostinato, Louis-René des Forêts en 2017). Professeur au Centre d’études théâtrales de l’UCLouvain depuis 2011, il est surtout connu en tant que metteur en scène (compagnie ELK) : en 2013, son Petit Eyolf, adapté d'Henrik Ibsen, obtient le prix du Public au Festival Impatience et en 2015, Andreas, d'après Le Chemin de Damas d'August Strindberg, est créé au Festival d'Avignon et au Festival d'Automne à Paris. En 2019, il crée sa pièce, De l’ombre aux étoiles, à Hyderabad, en Inde, puis au CDN de Toulouse et en tournée. Communauté, en collaboration avec l’écrivain Sylvain Prudhomme, sera créée au Grand R (Scène Nationale de La Roche-sur-Yon), en janvier 2022.

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Roberto Fratini du 27 juin au 1er juillet

Le point commun entre la dramaturgie silencieuse, qui s'agence dans le contexte du théâtre d'image ou du théâtre dansé, et la dramaturgie proverbialement bruyante, qui se déploie dans le cadre du dispositif participatif ou immersif, est le trouble d'avoir affaire à tous les aspects et à toutes les résistances potentielles de l'aléatoire, de l'impondérable, de l'accidentel. Le vrai défi d'un théâtre dont les spectateurs, plus qu'interprètes, sont les dramaturges spontanés, est la paresse potentielle, l'espace négatif et non programmable du dispositif. Si la dramaturgie silencieuse comprend l'opacité sémantique comme apriori poétique, que la dramaturgie du spectacle participatif comprend a priori l'échec, même le collapse de la pièce, comme une finalité structurante. D'autant plus que le paradigme général et l'utopie de démocratie directe qui préside aux élans de la participation est par définition une aventure d'essai et d'erreur, un partage épique d'incompétences. La dramaturgie ainsi conçue ne tient pas d'un travail techno-discursif de débouchement du sens, mais plutôt d'un artisanat, conspirant et pervers, dont le vrai but est de fabriquer le risque, le vertige du non-sens et le désordre de la coexistence. L'échec, le malentendu, l'obliquité du résultat est le vrai objet des exercices d'analyse, des essais de composition et des essors d'anamnèse qui constituent la matière de ce séminaire, où chacun vient avec son trousseau de fautes et de faillites, négocier une deuxième opportunité de sens.

Roberto Fratini Serafide (Milan, 1972), dramaturge et théoricien de la Danse, est professeur d’Histoire et de Théorie de la danse au Conservatori Superior de Dansa (Institut del Teatre) de Barcelone, et a imparti des cours et conférences dans plusieurs universités européennes. Il collabore comme dramaturge avec plusieurs compagnies de danse et de théâtre contemporains (parmi d'autres, Caterina Sagna Dance Company, Olga Mesa, La Veronal, Roger Bernat, Taiat Dansa, Germana Civera, Alexandra Waierstall, Aerites Dance Company, Sol Picó, Philippe Saire, Wang/Ramirez, Cocoon Dance) et a imparti des stages et workshops en dramaturgie silencieuse dans plusieurs académies et masters (ESAD Galicia, HBK de Berne, La Manufacture de Lausanne, Scuola Europea dell'Attore, CIFAS Bruxelles, DAMS de Bologna, entre autres). Sa recherche s'affiche surtout sur la dramaturgie de la danse et sur les paradigmes du participatif. Il est auteur d'articles et essais. Parmi ses livres: A Contracuento. La danza y las derivas delnarrar (2012), El cuerpo incalculable (2018), Escrituras del silencio. Figuras, secretos, conspiraciones y diseminaciones de una dramaturgia de la danza (2018), Liturgie dell'impazienza (2021).

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