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Les auteur.ice.s

Anna Czapski

Anna Czapski mène des travaux esthétiques dans le réel : marche documentaire et futurologie. Elle crée des expériences, écrit de la poésie et cherche d'autres modes de vie possibles. Elle dit que c'est la même chose.

Un spectacle arrive. On tire une salve.



Finalement, je crois comprendre que « critiquer » c'est accepter d'habiter ailleurs un temps ou toujours, se déplacer avec un risque de non retour.

casser la baraque
enlever ses habits
mettre les voiles
découcher
quitter son lit mais à la façon d'une rivière
déborder
puis témoigner, partager sa déconstruction,
son voyage de rivière
par une petite architecture poterie vannerie modeste
peut être une boule de terre gluante
peut être un bâton qui pique façon flèche
peut être un abri où chacun pourrait dire
ici c'est enfin ou aussi ou encore chez moi
les uns n'empêchant pas les autres.

Tout commence par un exil
celui de mes parents, derrière le rideau de fer en 1969
pas de retour en arrière.
Aller au spectacle, revivre le dépaysement
casser baraque - enlever habits - quitter la terre
habiter entre parmi
aller au spectacle
une migration qui n'est pas subie mais que je choisis de vivre aussi sans retour en arrière possible.

Critique. Forme d'hospitalité. Un spectacle arrive. On tire une salve.
On partage un café avec les voyageurs.
On en profite pour se montrer les cicatrices.

Anna

Caroline Godart

Caroline Godart est composée de plusieurs langues qui font souvent des interférences entre elles, d'atomes, de cellules et de leurs agencements à venir, d'animisme et d'hérésie, d'explorations intérieures et de randonnées en forêt.

It all started with the fathers, and all the other pompous little men, vituperating empty-shelled assessments to try and be loved by other, older pompous little men. Long lines of fathers and the fathers of fathers, all with meaningless though often pretty tastes.

Then the daughters came along and they said: your tastes suck, they suck even though they are pretty, they suck even though they sometimes enchant our ears and eyes, and the colonized came along and said the same thing, and the queers and the crippled. They said: your tastes suck because look, they are built on our corpses, ours and those of our sisters and brothers and other siblings. But soon they started fighting with each other, as siblings do, especially when the hurt hurts too much, when there is so much to destroy just to be able to breathe.

Then we started rebuilding. We decided: we want tiny homes of joy and pain, many of them, where we can gather and create and make the world anew, where we can be generous and therefore suffer, where we can take risks, where life can become flesh, where we can be with each other and come into our own: beings undefined and changing, lucid, clever and resourceful. Fleeting, fragile, loving.

Caroline

Aïnhoa Jean-Calmettes (regard extérieur)

Aïnhoa Jean-Calmettes écrit pour essayer de comprendre des trucs et les partager. Souvent, elle préfère les mots des autres et donc leur poser des questions.

Mots fantômes et passagers clandestins



Peut-être qu’il s’agirait de regarder autrement les failles, non plus comme un manque mais comme un potentiel. Une invitation, même. Comment entrer dans une œuvre si on ne nous laisse pas de place ? Et comment laisser de la place sans créer des béances ? Pour que les « épiphanies de silence » puissent exister, encore faut-il qu’il y ait du silence, non ?

C’est un fantôme qui m’a guidée à travers le texte d’Irit Rogoff. Un mot partout présent mais jamais nommé : empathie. Et je me demande si ce n’est pas parce qu’il est tu qu’il fonctionne comme une formule magique. Parce que soudain, on change de registre : la critique devient moins une modalité de pensée qu’une attitude, une manière d’habiter le monde et de tisser des liens. Bref : une éthique.

Il s’agit plus de penser, mais de penser « avec » : des paysage, des objets, des gestes, des baisers, le passé, le futur, des morts, des vivants, des souvenirs, des œuvres, des corps (à compléter avec ….). Parce que voilà, nos poils ne parlent pas un langage moins vrai que nos neurones ou nos épigènes. Et que si on se met à regarder les failles avec tendresse, on saura peut-être mieux comment écouter ce(ux) qui parle(nt) autrement, en dehors comme en nous, si tenté qu’il y ait toujours une distinction aussi stricte que ça entre les deux.

Aïnhoa

Liste non exhaustive des passagers clandestins de ce texte : Hélène Frappat, cigarettes roulées, Delphine Horvilleur, disco pakistanaise, Déborah Lévy, Rachel Bespaloff, Tsirihaka Harrivel & Vimala Pons, Roïbos

Mylène Lauzon

Mylène Lauzon écrit tout le temps, tout le temps, mais plus en action que sur papier. Elle est animée d’un amour inlassable pour ce que font les artistes avec leur voix et leur corps, et pour toutes autres propositions authentiques,
pour elle, des fêtes.

Nageant, rampant, volant



Quand j’écris je suis au plus près de moi.

Quand j’écris sur ta pièce aussi.

L’attention toutefois ne se porte pas sur ce qui apparaît entre les tresses de mes mots mais précisément sur ce qui se meut en moi, poisson, serpent, oiseau de proie.

L’expérience que tu m’auras proposée poursuivra sa route jusqu’ici, nageant, rampant, volant, et je tenterai avec rigueur et tendresse de la saisir avec mes mots, fragiles mais utiles.

Je laisserai sans doute en cours de route quelques phrases ou syntagmes mort-nés mais n’aurai aucune résistance, aucune, à ce qui vit et se lie.

Dénuder les signes, ton œuvre ne s’est pas présentée nue (mais est-ce que seul ce qui est visible sera lisible ?), et nommer ce qui est vécu est ce qui m’animera ici.

Je tenterai de ressentir la limite, celle qui s’éprouve entre le tu et le révélé, entre le repli et le déploiement, le parlant et le résonnant et j’avancerai dans une écriture qui cherchera à te partager ce qui a pu me rencontrer.

Ici prendront forme des expériences tracées.

Et ce, sans inquiétude de mémoire car de ta pièce quelque chose circule, contourne, pénètre, s’en va de l’être et y revient. Et comme le toucher, ça ne reste pas. Passage d’une présence qui se retire. Un instant précieux de fusion distante, aurait peut-être dit Bernard Noël.

Et je veillerai à répondre à ce qui m’est réclamé par ton œuvre : un contact libre de toute intention.

Mylène

Raïssa Alingabo Yowali M'bilo

Raïssa Alingabo Yowali M'bilo...en devenir. En devenir la suite de la phrase après la barre clignotante ou le vers exhumé qui trainait dans la digestion d'un sens. Va-t-on savoir.
Un adjectif? Contente. Un verbe: tempête ou enjambe.
Un mot: merci. Un rôle: témoin. Un engagement: La présence. Aux choses, à l'instant, à vnous. Un parjure: la rêverie.
Une action: passer.

“Critique” est devenu un métier, comme “polémiste”, comme “expert”.

Polémiste... Une profession...? avoir le luxe et le privilège de vivre en suscitant le débat par seul goût de la controverse. Quand on sait qui partage ce titre-là, on s’en passerait bien.

Le tout-nommer, le tout-professionnaliser, passe aussi par la légitimité que l’on puise dans le savoir. Où est la légitimité du regard et du ressenti, du critique qui voit, sent, vibre? et ne donne son avis que comme on s'exclamerait en regardant le ciel tout irisé ou encore en notant une mauvaise odeur.

Traduire les sens, communiquer sur ceux-ci. Etre témoin d’un instant qui devient événement parce qu’on l’a remarqué, qu’on l’a vécu autrement qu’une simple seconde qui passe.

Je vous parlerais bien de l’odeur de cet été qui vient. Celle de la chaleur, du sec, du goudron chaud, de la crème solaire mêlée aux vapeurs des pots d’échappements.

C’est toute cette poésie et cet enivrement que je cherche par procuration dans une belle phrase que je n’aurais pas écrite. C’est le souvenir de cette beauté qui existe autour de nous, sur terre, de ces choses insignifiantes qui nous font vibrer. La façon de dire les choses, de les montrer comme on les as vues, entendues ou ressenties. D’avoir fait l’expérience du vivant, médium de l’impalpable. Cette communion dans l’exercice toujours si difficile de traduire une émotion et de partager la tentative d’y arriver.

Aller voir et dire ce qu’on a vu sur scène, c’est entrer dans la ronde d’un téléphone sans fil, la mise en abîme: être la personne qui voit celui ou celle qui a vu. Devenir garant d’un ressenti déformant et se passer le mot du Beau, de l’Amour, des Humains, de toutes ces choses et leur définition après lesquelles on court depuis longtemps, sans se les accaparer vraiment. Heureusement.

Raïssa

Marie Paule Mugeni

Marie Paule Mugeni mêle la poésie et la danse à son art. En pleine exploration de ses sens, l’écriture est devenu pour elle un moyen de mettre des mots à ses maux, d’exprimer l’amour et la joie, de crier la délivrance et la libération.

J’écris
A cause des maux
J’écris, ce que je ne saurai dire
Des mots qui ne pourrai sortir de ma bouche
Je me réfugie derrière des rimes, des proses, des poèmes
Je cris ma souffrance sur papiers
Je gueule ma délivrance par des mots
Je délivre l’amour par le mouvement de mes mains
Je rencontre le courage en relisant
J’affronte ma lâcheté en refermant le livre
J’écris, car c’est la preuve de ma libération
Une liberté souvent combattue
Mais je vis enfin, alors j’écris
J’écris pour que mon silence soit un langage
Je suis ce que je ne dis pas
Mais que veulent réellement dire ces mots que mes lèvres ne prononcent pas
Ces pensées perdue qui viennent me retrouver
Que cette salve fende le désespoir en deux
Que notre intouchable futur soit perdu dans un horizon de possibilité

Marie Paule

Jérôme Poloczek

Jérôme Poloczek est un corps qui parle et fait des choses. Il n’a pas choisi son nom. Ces temps-ci, il dit des « presque poèmes » qui, quand ils ne sont pas sur du papier, peuvent être regardés, muets, transformés en
« presque choréographies ».
www.popovchka.net

"Criticolé"



Dans nos ventres, on est en colère mais on ne criera pas. On va essayer, plutôt que de créer un bûcher, de chauffer des pierres. Toujours cet essai. Nos mains brûlantes, ne pas se brûler avec, ni les poser sur les autres. Je n’ai pas peur d’allumer un petit feu. Ailleurs, des costumes frapperont en col blanc.

Jérôme

Arnaud Timmermans

Depuis qu’il sait lire, Arnaud Timmermans oscille entre son amour des descriptions et une relation contrariée avec les adjectifs. Sa pratique incertaine de l’écriture peut se regarder comme une lente tentative pour apprivoiser, bon an mal an, ses propres inconstances.

Il m’arrive souvent d’ouvrir plusieurs livres à la suite et de les reposer rapidement, après seulement quelques pages. Sans nécessairement qu’ils me « tombent des mains » comme on dit méchamment. Moi qui, universitaire et « philosophe » universitaire de surcroît, étais supposé avoir trouvé mon élément naturel dans le texte, faire profession de lire et d’écrire, je m’étonne toujours du peu de temps que je suis capable de soutenir, le plus souvent, une lecture attentive et investie.

La raison en tient-elle seulement à l'omniprésence toujours plus addictive des écrans, de leurs cascades de fenêtres et de liens, où tout invite à ne pas s’attarder mais à surfer en fendant les paragraphes par le milieu ? ("Les villes par où on passe, on ne se soucie pas d’y être estimé. Mais quand on y doit demeurer un peu de temps, on s’en soucie. Combien de temps faut‑il ?")

N’est-ce pas aussi qu’il y a, texte ou image, livre ou écran, spectacle ou disque, à se mettre un peu en condition pour trouver par la lecture, le visionnement, l'écoute, autre chose que du contenu ?

On ne plonge pas impunément dans une rivière sans préparation. On ne devrait pas s’attendre à rencontrer une œuvre sans s’être dévêtu de sa tenue de personne bien élevée, sans exposer un peu sa peau, son ventre, ses épaules.

Arnaud

Flo Delval

Qu'est-ce que choisir d’écrire, plutôt que de faire autre chose. Plutôt que de parler. Plutôt que de danser. Écrire plutôt que de ne rien faire. L'écrit non tant comme un acte sémantique mais comme action. En l'occurrence, l’action d’écrire pour la scène.

Quelle est la pensée propre à l'écriture ?
L'écriture n'est pas simple enregistrement d'un discours.
Quelle est la pensée
Propre à l'écriture
sur un écran
l'écran d'un téléphone
dans un train
en marche
Dites-moi où est située l'écriture ? Son terrain de jeu?
Dites-moi depuis où elle parle.

Un texte existe quand il est achevé.
Quand il est achevé
il instaure
un programme
un agencement
dans un coin du réel
Une critique dans un journal a pu déplacer quelques personnes. Parfois.
C'est un lien social, un réseau d'interactions, qui reconfigure, matériellement.
La critique
agence
dans un coin
le réel
ou du moins essaye.
Ecrire pour la scène c'est la prolonger, l'instaurer un peu ailleurs, un peu plus loin.

Florent