La Bellone

Modules 2021

Plus qu’à une histoire ou à une théorisation de la dramaturgie, les participant.e.s sont ici invité.e.s à saisir, cerner et pratiquer la dramaturgie en s’essayant à la fois à dresser une cartographie des pratiques dramaturgiques et à pouvoir s’y situer. il s’agit ainsi non pas de définir une pratique qui, en tant que telle, sort du cadre définitionnel puisqu’elle n’a pas de « fins » et de contours fixes et figés – ceux-ci bougent selon les modalités d’activation dramaturgique (au plateau, en institution, dans la conception de dispositifs divers...) – mais plutôt de proposer une méthode de double singularisation : singulariser ce qui fait, aujourd’hui, le paysage dramaturgique et ainsi voir apparaître, pour chacun.e, ce qui singularise sa propre méthode de faire. À partir de là s’entame un chemin d’étude situé, le long duquel le/la participant.e peut davantage reconnaître la spécificité de sa méthode, de ses outils mais aussi, par-là, expérimenter d’autres manières d’en faire usage ou de les affiner en regard des spécificités des autres.

Du 22 au 27 mars avec Sara Vanderieck

Dans ce module, le focus sera sur la pratique  dramaturgique à l’intérieur de processus pluridisciplinaires de création et de recherche. Cette dramaturgie consiste à trouver un moyen de parler à travers l’écoute, d’ouvrir des voies de communication et de créer des liaisons qui permettent de prendre des décisions dans le processus créatif artistique - celles qui incluent et excluent des matériaux et des idées. Ce jeu d’équilibre n’est pas un savoir ou une compétence, c’est une attitude, un processus, une sensibilité. Cette dramaturgie est à la fois une pratique et une conscience, un état d’esprit. Afin de pouvoir participer à des processus de création « en direct », la/le dramaturge n’utilise pas uniquement son propre bagage (intellectuel) et les informations venant des échanges préparatoires à la création, mais elle/il s’appuie surtout sur une forte confiance en sa propre intuition. Au cours de ce module, Sara Vanderieck partagera sa recherche de stratégies soutenant une pratique dramaturgique intuitive et à l’écoute de chaque étape d’une création.

Sara Vanderieck (1978) a obtenu son diplôme de master en mise en scène au RITS à Bruxelles.En 2006, elle a rejoint les ballets C de la B, d’abord comme responsable de production pour VSPRS et pitié! (Alain Platel) plus tard comme assistant artistique d’Alain Platel pour les créations de Out of context - pour Pina et C(H)ŒURS et de Lisi Estaràs pour Dans Dans et Leche. En 2012, elle quitte les ballets C de la B et devient membre de la direction artistique du De Grote Post, un nouveau centre culturel à Ostende, BE. Depuis ce même moment, elle travaille aussi comme dramaturge indépendante pour plusieurs créations. Elle collabore avec Claron McFadden / Muziektheater Transparant (Lilith, 2012), Serge Aimé Coulibaly / FASO DANSE THEÂTRE (Fadjiri 2013; Nuit Blanche à Ouagadougou, 2014; GLOED, 2015; Kalakuta Republik, 2017, Kirina, 2018 et Wakatt, 2020), Bára Sigfúsdóttir (The lover, 2015, Tide, 2016, being, 2017 et FLÖKT, a flickering flow, 2020) Ayelen Parolin et Lisi Estaràs (La esclava, 2015), Platform K / les ballets C de la B / Lisi Estaràs (Monkey Mind, 2016), MonkeyMind Company/Lisi Estaràs (Monkey Mind Feest, 2017, SapniensRabia, 2018, SONICO, 2020), Naïf Productions (La mécanique des ombres, 2016-2017 ; des gestes blancs, 2017-2018 ; la chair a ses raisons, 2018), Lola Bogaert (VRETEN !, 2019) et Kristien De Proost & Bwanga Pilipili (Simon, Garfunkel, my Sister and Me., 2020). En 2017 elle crée le projet de recherche permanent When I look at a Strawberry, I think of a Tongue en collaboration avec Mirko Banovic, Lisi Estaràs, Kristien De Proost et plusieurs artistes invitées (e.a. Serge Aimé Coulibaly, Sayouba Sigué, Anna Calsina Forellad, Toon Walgrave, Mathieu Desseigne Ravel, Isnelle Da Silveira).

Du 26 au 30 avril avec Bart Van den Eynde

CLAIM THE FRAME !
Faisons l’exercice de concevoir l’art comme un discours, un terme qui évoque immédiatement les notions de langage, de syntaxe, de grammaire et de rhétorique. Faisons l‘excise de concevoir l’art comme un cadre : que met-on dans le cadre et que laisse-t-on de côté, quels sont nos principes de sélection et d’organisation (inclusion et exclusion / visibilité et invisibilité). idéalement, l’atelier fonctionne comme un espace horizontal où s’échangent pratiques, méthodologies et stratégies qui peuvent nous aider à agir dramaturgiquement, à devenir plus précis sur ce qu’est la dramaturgie pour chacun de nous et quelles formes de dramaturgie conviennent à chacun de nous. Dans ma conception personnelle la pratique dramaturgique intuition, formalisation, playfulness et décentralisation sont des mots-clés. L’atelier part de la croyance en le contexte collectif et divers comme lieu de développement de nouvelles idées qui enrichissent la trajectoire artistique individuelle.

Bart Van den Eynde (1967) a étudié l’histoire médiévale (RUGent & Stendhal II Grenoble) et la science du théâtre (KULeuven). Avant de devenir dramaturge de compagnie et de production de Het Zuidelijk Toneel sous la direction artistique d’Ivo van Hove (1995-2000), il a été membre du personnel de l’Institut flamand du théâtre / VTI, un centre de documentation sur les arts du spectacle (1991-1995). De 2001 à 2007, il a été directeur artistique associé de Laika. Pour cette compagnie de théâtre pour jeunes, il a dirigé Slaapwakker (2002) et Slot (2004). De 2009 à 2012, il a été coordinateur artistique et pédagogique de Advanced Performance and Scenography Studies / a.pass, un programme de recherche de troisième cycle sur la performance et la scénographie sur et en dehors de la scène. Depuis 2005, il travaille comme dramaturge indépendant pour des productions internationales de danse et de théâtre. Il a travaillé avec des metteurs en scène (Ivo van Hove, Guy Cassiers, FC Bergman, etc.), des chorégraphes (Meg Stuart, Arco Renz, Lisbeth Gruwez, etc.) et des artistes visuels (Germaine Kruip, Charlotte Bouckaert, etc.) en Belgique, aux Pays-Bas , Allemagne, France, Grande-Bretagne, Autriche, Portugal et États-Unis. Il a été professeur invité dans différentes écoles de théâtre en Belgique et aux Pays-Bas. Depuis 2015, il est directeur du programme d’un master de théâtre à la Toneelacademie de Maastricht (Pays-Bas). Il a obtenu un diplôme officiel de médiateur social (KULeuven & KHLeuven) en 2015.

Du 17 au 21 mai et du 21 au 25 juin* avec Camille Louis

Perdre aussi nous appartient**

Créer des performances n’oblige pas à « être performant.e », inventer une forme n’impose pas de « tenir la forme » et élaborer une dramaturgie n’a pas pour condition l’évacuation du « ratage dramatique » ou de l’échec catastrophique. Au contraire, cette élaboration consiste aussi et surtout à tordre le drame et ses logiques afin de reconnaître ce qui se refait différemment dans les plis des défaites diagnostiquées ou ce qui se dépose le long d’un chemin où la destination visée ne s’atteint vraiment jamais. À l’exact opposé des « trainings » à l’efficacité ou des entraînements à l’endurance que l’on nous présente comme nos seuls moyens de résister à la maladie et aux fragilités, ces deux modules dramaturgiques entendent faire place aux failles et soigner les ratés. Il ne s’agira pas de devenir les experts capables de traiter et solutionner les maux et les tourments que traverse tout processus de création, mais plutôt de faire l’expérience ensemble d’un mode d’accompagnement qui préfère le soin à la guérison. Qu’apprend-on là où tout semble s’effondrer de ce que l’on avait planifié ? Qu’est ce qui reste dans les ruines des intentions et qu’est ce qui s’y inscrit comme langage autre plutôt que comme arrêt de la langue et chute du chant (c’est le sens grec de kata-strophè) ? Dans ces temps de pandémie où l’on nous impose les gestes et techniques de sur-vie, nous chercherons plutôt à nous tenir au niveau, sans élévation et sans sur-plomb, de la vie. Une vie au sein de laquelle la santé n’est jamais « pleine » mais toujours rythmée par des vides et des gains, des pertes et des retrouvées. C’est dans ce relief là que se fait et se tisse la création ; c’est dans « l’entre » et les interstices de ce paysage fracturé que le soin et l’attention dramaturgique se font.

* Les deux modules suivent la même question mais existent chacun de façon autonome. Il est possible de suivre les 2 ou un seul, au libre choix des participants.

**Rainer Maria Rilke

Camille Louis est docteure en philosophie, dramaturge et activiste dans le champ du droit des étrangers et de l’égalité radicale. Elle enseigne régulièrement dans les universités Paris 8 et Paris 7. En 2009 elle co-crée, avec Laurie Bellanca, le collectif interdisciplinaire kom.post avec lequel elle multiplie les créations dramaturgiques entre plusieurs pays et au sein de contextes variés. Depuis 2016, elle est dramaturge associée à La Bellone et également, depuis 2018, au théâtre Nanterre-Amandiers où elle développe notamment un cycle de rencontres au croisement de l’esthétique et du politique : « Mondes Possibles ». Elle accompagne plus spécifiquement les metteurs en scène Léa Drouet, Philippe Quesne et, plus récemment, Frédérique Aït-Touati. Son premier ouvrage, au croisement de la philosophie, de la dramaturgie et de l’action politique devrait paraître en automne 2021.