La Bellone

RENCONTRE

Poésie : oralité, écriture et performance en Indonésie

25/10/2017
17:00 > 19:00


Cette activité est le résultat d'une collaboration entre Les midis de la Poésie / Apéro Poésie, Maison de la Poésie d'Amay, EUROPALIA INDONESIA et La Bellone.

Poésie : oralité, écriture et performance.

La popularité de la déclamation, acte de récitation et de représentation de la poésie avec une modulation dynamique de la voix accompagnée de gestes corporels est étroitement liée avec ce type de poésie.
La poésie indonésienne écrite en indonésien, ainsi que dans d'autres langues locales, a un fort attrait auditif, une caractéristique qui découle de la tradition poétique orale rimée appelée pantun. Les œuvres de poètes bien connus comme Chairil Anwar (1922-1949, poète de la Génération de 1945, celle de l’indépendance du pays) et W.S. Rendra (1935-2009, fut à la fois poète, dramaturge, activiste, acteur et metteur en scène et l’un des rares artistes à avoir résisté à la dictature de Suharto) surent préserver cet élément auditif et l’écho de la voix dramatique dans des poèmes de vers libres, ce qui continue de rendre leur travail populaire dans les compétitions de déclamations à l'échelle nationale.

Les œuvres des trois autres poètes de cette anthologie se situent au carrefour de la poésie en tant que littérature écrite et de répertoire pour des performances. Les poèmes de Godi Suwarna, écrits en langue soundanaise, reconnue comme étant très mélodieuse, sont des paysages sonores puissants.
Son poème Grand Prix, par exemple, incarne de manière audible les bruits de la vie de la rue. Ce paysage urbain sonore est représenté dans son multilinguisme, avec la pop musique en anglais dans l’étourdissement des transports urbains et le chant mélodieux de la langue soundanaise encadrant la scène. De tels poèmes peuvent-ils être vraiment traduits ? Un grand nombre de poèmes de Godi Suwarna sont essentiellement oraux, semblables à une musique, et sont censés être entendus dans leur langue d'origine. De fait, la lecture de la poésie de Godi Suwarna a toujours été une performance, avec de puissants aspects théâtraux, intégrant des costumes, de la musique en fond sonore et du chant traditionnel. Dans cette anthologie, les poèmes, malheureusement, sont réduits à leur seule expression verbale.

Comme Godi, Tan Lioe Ie est un artiste complet, mariant poésie et musique. Il a publié des albums musicaux, adaptant sa poésie (ainsi que celle d'autres poètes) à la musique, s’accompagnant en solo à la guitare. Sur scène, il chante, déclame et dramatise ses poèmes en une performance chorégraphiée. Dans le même temps, Tan Lioe Ie écrit des poèmes de type haiku, avec des syllabes calculées et des formes rigides.

À l'instar de Ciam Si, notices prophétiques chinoises utilisées dans les temples, les poèmes de haiku de Tan Lioe Ie ont été utilisés par certains indonésiens chinois dans le même but divinatoire. Certaines personnes allant même jusqu'à réellement placer le livre de poésie sur l'autel de la famille.

Un certain nombre de poèmes de Zubaidah Djohar, comme ceux de Godi et de Tan Lioe Ie, sont mêlés de récitations traditionnelles d'Aceh et se prêtent à être exécutés oralement, parfois combinés avec de la musique et de la danse traditionnelles.
Avec, comme toile de fond, une revendication féministe très présente, les mélodies de Zubaidah véhiculent des messages directs et un puissant pathos.

La section poétique de cette anthologie a pour objectif de souligner les interactions et un dialogue continu entre la modernité littéraire occidentale et la tradition orale. Les quatre poètes sélectionnés ici démontrent également la nature multidimensionnelle de la littérature indonésienne, non seulement comme belles-lettres, mais aussi comme carrefour de la musique et du théâtre, du rituel et de l'activisme social.

Avec une intervention musicale de Made Agus Wardana & Maxime Lacôme.

Lioe IeTan, écrivain et musicien, est né à Denpasar, à Bali. Ses poèmes sont fortement inspirés par les mythes et les rituels chinois, et ont été publiés dans des revues littéraires internationales, telles que Coast Lines, Le Banian, Orienttirungen et font partie de 26 anthologies de poésie. Il a présenté ses œuvres dans le monde entier au cours de festivals littéraires et lors de programmes de résidences. Ses poèmes ont été traduits en anglais, néerlandais, français, allemand et mandarin. Dans ses albums de poésie-musique, tels que Kuda Putih, Exorcism et Kuda Putih Remastered (2012), il a composé de la musique pour ses poèmes et les œuvres d'un poète aîné, Umbu Landu Paranggi. Il a fondé le groupe Bali Rock et Blues et est actif dans les communautés littéraires de Bali.

Zubaidah Djohar est chercheuse, formatrice, militante humanitaire et poète. Elle a publié des ouvrages sur un large éventail de sujets concernant l’impact des conflits sur les femmes à Aceh et le rôle des femmes dans la société contemporaine. Elle a travaillé pour des projets visant à responsabiliser les femmes, abordant les thèmes de la lutte contre la corruption, l'égalité entre les sexes, l’environnement et la consolidation de la paix. Dans son livre de poèmes sur les femmes et la paix à Aceh, Pulang Melawan Lupa, 2012 (Building a Boat in Paradise, traduit en anglais par Heather Curnow en 2014), elle souligne le besoin de mémoire des violences et souffrances des survivant·e·s de conflits, en particulier des femmes et des enfants, comme chemin vers la réconciliation. Elle a dédié les revenus de ses livres de poésie au recouvrement des victimes du conflit.

Godi Suwarna, né à Tasikmalaya à Java Ouest. Il a été plusieurs fois récompensé pour ses œuvres en soundanais, l’une des nombreuses langues régionales d’Indonésie. Il a publié un grand nombre d’œuvres comprenant des poésies, des nouvelles et des romans et dans chacun de ces genres, il a remporté le prix Rancage, décerné pour la littérature écrite en langues régionale. Son anthologie de poésie, Blues Kere Lauk (1992), son recueil de nouvelles, Serat Sarwasatwa (1995), et son roman Sandekala (2008) ont également remporté des prix. Connu pour sa maîtrise de lecture de poésie déclamatoire, il a joué dans des festivals nationaux et internationaux, dont le Festival des arts de Jakarta-Berlin (2011), le Festival international de littérature et de traduction à Melbourne (2012) et le Festival international de poésie à Gênes, Italie (2014).

Laurence Vielle est une poétesse et comédienne belge de langue française.
Elle écrit-dit ; pour elle, la poésie est oralité. Elle aime dire les mots, les faire sonner, les scander les rythmer.
Claude Guerre dit à son sujet : Laurence Vielle ne manque pas de souffle. Elle court dans les trains, elle marche sur la terre. Elle cavale les mots, elle fréquente assidûment. Elle écrit par vivre. Elle vit par écrire. Elle vit tout court, naturellement. Mais tout aussi naturellement, elle écrit court aussi. Elle n’écrit pas finalement. Elle ne cherche pas à écrire, comme disait l’autre : elle trouve.
Elle est là avec sa chronique à la main - bouche : dire, oraliser, chanter, remuer les nerfs et les ventres, emplir les esprits et les âmes, pénétrer et ravir, transformer, illuminer. C’est une philosophe de la rue. La poésie qui refuse d’être un quelconque décor embellissement du monde affreux.
La poésie qui pense le monde en s’amusant de lui. La poésie qui ne s’évacue pas dans la tour d’ivoire.
La poésie qui travaille d’arrache-pied sa texture vocale, sa densité de communication, sa vaillance devant les salles d’yeux et d’oreilles attentives
.
Elle se définit comme une glaneuse de mots, les mots des autres et les siens. Ce sont ses tambours, elle tente d’y accorder son cœur.

Modérateur de la rencontre :
David Petit.

Made Agus Wardana est né à Denpasar (Bali) en 1971. Depuis son plus jeune âge, sa famille l’initie à la musique traditionnelle balinaise : le gamelan. En 1995, le Gouverneur de Bali lui remet le prix du meilleur joueur de kendang (tambour balinais) au Festival des Arts Tradtionnels Balinais. Depuis 1996, Made vit et travaille en Belgique où il a fondé l'ensemble de gamelan Saling Asah et donne des concerts et des workshops dans toute l'Europe.

Maxime Lacôme est né à Suresnes (France) en 1981. Cet artiste passionné d'expérimentations sonores navigue entre les musiques traditionnelles, électroniques et électroacoustiques. Maxime s'est formé au gamelan à Marseille au sein de l'ensemble Bitang Tiga et joue depuis deux ans avec l'ensemble Saling Asah à Bruxelles.

https://maximelacome.bandcamp.com

https://soundcloud.com/maxime-lacome