La Bellone

ONE TO ONE

Nimis Groupe & Léa Macias

1/12/2020
12:00 > 14:00
Visuel © Anne Poiret - Camp de réfugiés à Zaatari - Jordanie. Reconnaissance rétinienne


Dans le cadre de la résidence / recherche nous offrons la possibilité d'organiser deux rencontres entre l'artiste en résidence et une personne de son choix autour de la thématique abordée lors de la résidence. Pour ce One To One, le Nimis groupe a choisi de rencontrer l’anthropologue Léa Macias.

Dans le cadre de sa recherche sur les dispositifs d’enfermement des étrangers et l’aide humanitaire, le Nimis groupe est heureux de rencontrer Léa Macias afin d’échanger avec elle sur son travail concernant l’introduction d’outils numériques dans les camps de réfugiés et les problématiques de surveillance numérique et de protection des données qui en résultent. En s’appuyant sur le travail et les connaissances de Léa Macias, cet échange tentera aussi de voir comment ces questions soulevées dans les camps de réfugiés peuvent avoir des échos dans les sociétés occidentales de plus en plus technologisées.

Après des études de géographie et du développement en France et en Irlande, Léa a travaillé pour l’organisation REACH Initiative à Genève puis en Jordanie, Liban, Irak, Serbie, et République Démocratique du Congo pendant 4 ans. A la suite de ces expériences dans l’humanitaire comme chargée d’évaluation, elle a entamé en 2016 un travail de recherche sur le « data » et les camps de réfugiés. Doctorante en anthropologie contemporaine à l'EHESS (Paris) elle termine sa thèse sous la direction de Michel Agier (EHESS-IIAC / IRD) et avec le soutien de Kamel Doraï (CNRS / Ifpo). Elle a rejoint depuis février dernier l’Agence Française de Développement en tant que chargée d’études travaillant spécifiquement sur les enjeux de la collecte de « données » dans les projets de développement.

Sa recherche doctorale se concentre sur le développement d'outils statistiques et d'initiatives de gestion de l'information dans le secteur humanitaire. Dans le cadre de cette thèse, ses travaux se concentrent sur la place de la « donnée » dans la gouvernance humanitaire dans le camp de Zaatari, le plus peuplé du Moyen Orient. Il s’agit d’une ethnographie du camp, de l’ingénierie humanitaire qui y est opérée, de sa géographie et de ses habitants, au travers du prisme de la production de « données », de statistiques, et de la gestion stratégique de l’information dans le cadre des opérations humanitaires qui y sont menées. Dans une perspective contemporaine, les enjeux du développement des algorithmes, mais aussi de l’intelligence artificielle et des processus de « machine learning » semblent cruciaux à aborder dans leur application au domaine humanitaire. L’utilisation de données biométriques pour la distribution d’aide alimentaire, ou encore du système blockchain pour la distribution directe d’argent aux réfugiés font autant question que leur application dans des espaces d’enfermement qui deviennent des laboratoires à ciel ouvert. Enfin, ces évolutions ne peuvent être abordées sans une observation de l’engagement d’acteurs privés dans ces processus de collecte de données, de développement de dites innovations pour l’humanitaire. Sous des modalités variables allant de la fondation, à des partenariats avec des organisations internationales, les entreprises telles que Microsoft, ArcGIS mais aussi Ikea et MasterCard investissent le champ de la réponse humanitaire en modifiant les lignes et les modes d’action. Cette recherche en cours s’inscrit dans une approche originale et à l’articulation entre science et société. En effet, elle est basée sur une analyse des discours et des productions intellectuelles d’un milieu professionnel qu’est celui de l’humanitaire. Mais ces travaux sont aussi centrés sur des entretiens avec les professionnels et experts en question afin de collecter une parole qui est souvent omise ou laissée de côté par les organisations humanitaires elles-mêmes. Ces travaux visent donc à mettre en lumière des évolutions de la réponse humanitaire en utilisant une approche anthropologique, nourrie des méthodes de la géographie et de la sociologie.