La Bellone

16 > 27/09/2024

Comment les traumatismes nous survivent et comment on se les transmet quand on n’en parle pas?

Avec Les châteaux de ma mère, Yasmine Yahiatène veut questionner les espaces physiques mais aussi temporels et générationnels de liberté de la parole.

Depuis la sortie du spectacle La fracture et le décès de Ahmed Yahiatène, partenaire de vie de Nora Djeraï durant 28 ans et père de ses deux filles, le rapport entre Yasmine et sa mère a évolué et elles partagent beaucoup plus de choses, de temps, une forme de complicité s’est autrement développée. Ces moments sont souvent liés à des moments où elles fument des cigarettes et boivent du vin.

Nora Djeraï est née à Bouchegouf (ou Duvivier à l’époque) en 1958 en Algérie (Française.)

Dans une famille faite quasiment que de femmes, les moments d’expression se passent souvent lorsqu’elles cuisinent, lorsqu’elles boivent le café, rien n’est jamais vraiment dit, tout est souvent sous-entendu, chacune a sa place, chacune à son endroit.

Et puis il y a la danse, la fête et le rire. Les châteaux de ma mère, c’est une fête, celle de la liberté, de la délivrance, ce sont les femmes qui racontent. C’est la place pour qu’elle, Nora Djeraï, raconte sa version, son histoire qui de nouveau débordera sur l’Histoire. On écoute celles qui doivent raconter.

« Les châteaux de ma mère, c’est ma mère qui monte sur scène, et qui raconte une histoire. Ce sont nos échanges que l’on grave dans nos mémoires (intimes et collectives), ce sont nos sessions d’épilation au caramel en famille, la préparation de la semoule, du thé, le hammam, et la fête. »

Yasmine Yahiatène est une artiste pluridisciplinaire. Elle se forme à la vidéo et à la performance à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, à l’Université des Beaux-Arts de Valence en Espagne ainsi qu’aux Rencontres Audiovisuelles de Lille.

En 2016, son installation de vidéo mapping Ma mère, aussi est exposée à Lille et en Suisse. Le projet de vidéo mapping projeté sur la gare Lille-Flandres, J’avais 10 ans (création collective), remporte le deuxième prix du Concours International de Vidéo Mapping de Lille. En 2019, elle crée le Collectif Oxo avec lequel elle porte le projet OXO Beat Gender, une installation vidéo interactive mettant en avant cinq portraits de femmes oubliées de l’histoire. OXO Beat Gender est exposé à la Galerie Never Apart pour l’exposition Micro-Mapping 2019 à Montréal ainsi que pour l’exposition Matilda au BRASS en 2022 à Bruxelles.

En parallèle, Yasmine tourne en 2017 dans le film Plein la vue de Philippe Lion et commence sa collaboration avec la Compagnie ZA! comme interprète et vidéaste dans le spectacle À ta place, créé au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes 2021 qui tourne en France jusqu’en 2023.

En 2020, elle porte sa première création pour la scène et entame l’écriture de La fracture, spectacle dans lequel elle s’expose, interprète son histoire seule au plateau et utilise la vidéo comme partenaire de jeu. Avec La fracture, elle décrypte une relation intime et complexe, celle avec son père. En cherchant à renouer le contact avec celui-ci, et ce, à travers de multiples dispositifs, elle revient sur la guerre d’Algérie, l’enfance de son père en Kabylie, son exil, son alcoolisme et sur les points communs entre ces sujets, le silence, le tabou et la honte pour entamer un travail de réparation et de résilience.

La fracture est créé en 2022 à l’Atelier 210 (Bruxelles, BE) en coprésentation avec le Kaaitheatre et est programmé au Festival Actoral (Marseille, FR) ainsi qu’au Festival Fast-forward (Dresden, DE) où il remporte le prix du jury jeune de la meilleure performance.

Les tournés de La fracture se poursuivent en 2023 notamment au MONTY (Anvers, BE), au Festival Emulation (Liège, BE), au festival Jurányi Art Incubator House (Budapest, HU), au festival Tweetakt (Utrecht, NL), au Belluard Festival (Fribourg, CH), au Festival de la cité (Lausanne, CH) au Kampagnel International Summer Festival (Hambourg, DE) et d’autres théâtres européens. Le spectacle est nommé au Prix Maeterlinck de la critique dans la catégorie meilleur scénographie.

En septembre 2022, elle joue dans le spectacle Et ta soeur mis en scène par Lou Joubert pour le festival F.A.M.E (festival féministe bruxellois), dans le cadre du Manx Cat Project présenté en 2023 au Théatre de Liège, à MARS-Mons et à la Maison Poème (Bruxelles, BE).

Portée par une dynamique de “l’intime est politique”, Yasmine est invitée par la Bellone, en novembre 2022 en résidence sur un futur projet, Les châteaux de ma mère, avec lequel elle poursuit ses recherches identitaires liées à ses racines mais cette fois par le prisme des figures féminines de sa famille, notamment sa mère et le rapport tabou au suicide.

En mai 2023 elle est invitée par la CITF et WBI pour participer à la pépinière d’artistes à Montréal, une rencontre entre différent·e·s artistes de la francophonie autour du thème FLAMBOYANT·E·S COMME DES ORACLES.