La Bellone

RÉSIDENCE / RECHERCHE

Portraits sans paysage - Titre provisoire

30/11 > 19/12/2020
Visuel © Anne Poiret - Camp de réfugiés à Zaatari - Jordanie. Reconnaissance rétinienne

Le Nimis groupe est un collectif d’artistes réunis autour de la nécessité de questionner les enjeux liés, aujourd’hui, à la migration. Après un premier spectacle, Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu (2016), qui interrogeait les politiques migratoires européennes et leurs incidences économiques, le Nimis groupe creuse aujourd’hui la question de l’enfermement des étrangers et interroge la notion d’aide humanitaire dans les camps de réfugiés.

Le projet souhaite rendre compte de l’univers des camps en tant que lieux où l’on travaille à confondre enfermement et protection, surveillance et aide. Des lieux abandonnés de nos sociétés où les “inutiles” deviennent des cobayes pour développer les plus modernes de nos technologies. Des lieux qui entretiennent l’idée qu’il y a ceux qui sont enfermés dedans, et ceux qui sont libres dehors. Et si la frontière n’était pas si étanche ?

Depuis deux ans, le Nimis groupe travaille à la création de son deuxième spectacle. Une des spécificités du collectif est de dégager des temps longs de recherche pour se documenter sur le sujet qu'il souhaite mettre en scène. Une ouverture de l'état de cette recherche a été présentée en décembre 2019 au théâtre des Tanneurs. 

Dans la continuité de ce travail, cette résidence de recherche à La Bellone sera la première pierre en vue de la création du spectacle. Pour le collectif, plusieurs enjeux jalonneront cette résidence :

Tout d'abord, continuer le travail de rencontre avec des personnes nous permettant d’alimenter notre ligne dramaturgique et documentaire. Il s’agira de rencontrer des penseurs, des ingénieurs, des bénévoles mais aussi des personnes ayant vécu directement l'enfermement dans leur parcours migratoire. Certains de ces moments de rencontre et de partage se feront directement en lien avec le théâtre la Bellone à travers les one to one mais aussi grâce aux actions qu’il mène.

Nous souhaitons ensuite, lors de cette résidence, expérimenter les premières pistes de traduction scénique, à partir des documents et témoignages récoltés, en testant différents dispositifs, traitements, rapports au plateau et à la parole délivrée. Nous espérons que ces premières ébauches nous permettent d’esquisser des premières lignes d’écriture du spectacle. Cette résidence sera donc une étape essentielle dans le processus de création du spectacle final.

 

Le Nimis groupe est constitué de David Botbol, Romain David, Jérôme de Falloise, Pierrick De Luca, Anne-Sophie Sterck, Yaël Steinmann, Sarah Testa et Anja Tillberg. Il a été fondé en 2010. Suite à un échange « Prospero » entre étudiants du Conservatoire de Liège et du Théâtre National de Bretagne, nous avions constaté ceci : l’Europe finance des programmes pour que nous nous rencontrions entre Européens mais elle dépense aussi des sommes d’argent pour élever des barrières face au reste du monde. 

Avant de se lancer dans la conception d’un premier spectacle, nous avons mené pendant trois années un travail d’ateliers et de documentation. Nous sommes allés à la rencontre de personnes impliquées dans les questions migratoires à différents niveaux : juristes, militants, fonctionnaires et parlementaires européens, avocats, chercheurs, travailleurs sociaux, demandeurs d’asile en centres ouverts ou détenus en centres fermés. Au fil de ces rencontres et ateliers, nous avons confronté nos recherches à l’épreuve du plateau. Certains a priori s’effaçaient et d’autres questions se soulevaient. La rencontre avec des demandeurs d’asile en 2013, leur nécessité de dire en public ce qu’ils vivent, la joie partagée ensemble ont scellé notre détermination à écrire un spectacle avec eux. C’est ainsi que nous avons créé en 2016 Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu écrit et joué par les membres du Nimis groupe et six demandeurs d’asile : Jeddou Abdel Wahab, Samuel Banem Mbih, Dominique Bela, Tiguidanké Diallo, Hervé Durand Botnem et Olga Tshiyuka.

Après deux années consacrées à la tournée de ce premier spectacle ainsi qu’à l’animation d’ateliers, de rencontres et de débats en lien avec celui-ci, nous avons décidé en 2018 de nous lancer dans une nouvelle recherche sur les lieux d’enfermement des étrangers. Les voyages que nous avions faits à Lampedusa et à Calais lors de l’élaboration de notre premier spectacle et surtout le fait d’avoir rendu visite à des amis détenus en centre fermé en Belgique nous avaient fortement bouleversés et sensibilisés à cet aspect de la « gestion » migratoire. Depuis 2015, la multiplication de ces dispositifs d’enfermement et le recours systématique à la privation de liberté ajoutés aux  condamnations répétées des gestes de solidarité ou de sauvetage en mer ou en montagne ont consolidé notre volonté de mener une nouvelle enquête sur la question de l’accueil en tant qu’elle se traduit par le geste d’enfermer et de surveiller. Nous avons alors rencontré des chercheurs, des travailleurs humanitaires, des policiers, des avocats d’hébergeurs, des journalistes, etc. Forts des liens humains et professionnels que nous avions tissés avec les demandeurs d’asile qui jouent dans Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu, nous avons ponctuellement invité certains d’entre eux à nous rejoindre sur ce projet, quand cela était possible, afin qu’ils puissent apporter leur point de vue et leur singularité dans l’écriture et la conception du projet. Ce second projet s’inscrit à son tour dans un long processus de recherche et sera certainement amené à se modifier dans ses contenus et sa réalisation au fil des rencontres qui continueront à le nourrir d’ici la création du spectacle prévue en 2022.