La Bellone

Modules 2019

Du 28 janvier au 1 février 2019 : Camille Louis 

Depuis quelques années, le même nom de « dramaturgie » est attribué à des pratiques et modes d'interventions pourtant distincts. Sur la scène artistique contemporaine, on rencontre donc tout autant des dramaturges de plateau – qui accompagnent des créations théâtrales ou chorégraphiques – que des dramaturges-performeur·e·s – qui viennent incarner en leur nom un texte dramatique qu'ils/elles ont pu écrire et dont le traitement scénique n'est donc plus réservé aux seul·e·s metteur·e·s en scène – que des dramaturges de festival ou encore des dramaturges associé·e·s à une institution (théâtre, centre de création, École d'Art...). Plutôt que de considérer cela comme une dérive qu'il faudrait corriger en revenant à « La Vérité » de la dramaturgie, peut-être faut-il plutôt lire ici une des caractéristiques permanentes d'une activité dont le seul propre serait de ne pouvoir se laisser approprier par aucune définition unique. Puisque le mouvement, le déplacement, l'énergie de l'invention sont d'emblée inscrits dans son seul nom (drama-ergon : action-création ou mouvement), peut-être ne peut on s'approcher de la dramaturgie qu'en commençant par s'éloigner des formes d'appropriation trop souvent exigées par la démarche théorique. Dans ce premier module nous privilégierons donc une approche expérimentale ou tenterons de reconnaître la production de savoir contenue dans ce que l'on nomme « expérience ». Nous partirons donc des expériences concrètes de création dramaturgique, que celle-ci prenne la forme d'un écrit, d'un apport au sein d'une création scénique ou de l'invention d'un déroulé de festival. Nous nous arrêterons tout particulièrement sur le dernier cas mentionné précédemment : la dramaturgie d'institution pour saisir la manière dont une pratique du déplacement peut se maintenir tout en s'installant dans une place identifiée et ce qu'elle est en mesure, alors, de garder en mouvement au sein des maisons qui ont précisément pour mission première celle d'accompagner ce qui ne peut être autre que mouvement : la création. 

Camille Louis est philosophe et dramaturge. C'est au sein du collectif européen kom.post - co-initié en 2009 avec Laurie Bellanca - qu'elle développe ses différentes expérimentations dramaturgiques, à la frontière de la performance et des formes de débat collectif (La fabrique du commun ; Autour de la table ; L'occupation des ondes...). Cherchant à explorer les rapports de la création artistique à l'action politique, Camille Louis ne cesse de reprendre et de déplacer les possibilités contenues dans la notion de dramaturgie au sein d'une pratique « mouvementée » de celle-ci. Son travail rencontre ainsi une pluralité de scènes européennes (Festival d'Avignon ; Tanz Im August, Berlin ; Biennale de Moscou ; Festival Troubles, Bruxelles ; Festival des Quatre Chemin, Port au Prince ; Mir Festival, Athènes ; Festival Hors Pistes, Centre Pompidou, Paris et Festival Mondes Possibles, théâtre nanterre-amandiers dont elle fut dramaturge) qui, chaque fois, redistribue les conditions d'invention d'une écriture « en situation ». Celle-ci s'incarne aussi dans ses travaux de philosophe qui, pour s'élaborer, partent toujours d'un terrain arpenté, expérimenté, rencontré à partir des récits singuliers plutôt que depuis une grille théorique préposée. C'est notamment le cas des recherches et actions qu'elle mène, depuis plusieurs années, auprès des résistances politiques en Europe (tout particulièrement à Athènes) et des populations exilées (tout particulièrement à Calais). 

Du 25 février au 01 mars 2019 : Sandra Noeth

Nothing Comes Without its World. A dramaturgical approach to bodies in relation. Debates around the intersection between aesthetics, politics and ethics have been defining dramaturgical practice and related discourses in recent years, dissolving boundaries between the inside of a creative process and its external conditions. Grounded in the basic idea that meaning and agency are negotiated in the interaction between bodies, dramaturgical analysis, thus, is not primarily invested in describing supposedly stable, comprehensive, or imitable systems, gestures, or movement patterns or examining the structural logic of an artwork. Rather, it offers a conceptual approach and a practice of problem-posing that negotiates parallel and coexisting physical, intellectual, political, social, and other movements. 
The seminar will combine theoretical ideas of care, responsibility and vulnerability, collective reading and writing sessions with a practice-based approach to working with case studies in order to explore the worlds that dramaturgical practice is grounded in and that it illuminates. 

Sandra Noeth is a Professor at the Inter-University Centre for Dance (HZT) / Berlin University of the Arts. She has been internationally active as a curator and dramaturge in independent and institutional contexts. As Head of Dramaturgy and Research at Tanzquartier Wien (2009-2014), she developed a series of research and presentation projects on concepts and practices of responsibility, religion, integrity and protest in relation to the body. Sandra specializes in ethical and political perspectives toward body-practice and theory as well as dramaturgy in body-centred performing arts. She co-edited several books on the topic such as Bodies of Evidence: Ethics, Aesthetics, and Politics of Movement (2018, with G. Ertem, Passagen) or the periodical SCORES (2010-16, with Tanzquartier Wien). Her PhD is dedicated to the entangled experience of the border and of collectivity in artistic work from Lebanon and Palestine. As an educator, she works, e.g. with DOCH/Stockholm University of the Arts and ashkal alwan Beirut/HWP-program. https://auditive-architektur.academia.edu/SandraNoeth

Du 25 mars au 29 mars 2019 : Nedjma Hadj 

Du concept à la pratique de la dramaturgie performative
Résistance # Hybridité # Urgence comme matière de création
À travers des créations de chorégraphes contemporains, ce module questionnera les outils et les matériaux de ces créations pour mettre en avant pour chacun·e, ce qui singularise son processus de création en amont et sur scène. Comment la/le dramaturge peut lier sa pratique en collaboration avec le chorégraphe et l’accompagner en amont et pendant le processus pour approfondir, ouvrir le champ de recherche en matière de création en se basant sur le moi, l’intime de l’artiste ou du collectif avec lequel il ou elle travaille. Plutôt que de plaquer sur la pièce un référentiel déjà établi, ce module propose d’aller en dehors des outils académiques habituels et d’inventer en lien avec l’urgence ressentie émanant du processus de création, et du contexte socio-politique chargé de nos sociétés contemporaines.

Née à Alger, Nedjma Hadj Benchelabi vit et travaille à Bruxelles. Membre de la compagnie de théâtre bruxelloise Dito'Dito jusqu’à 2005, elle a collaboré au projet artistique du Théâtre de la ville de Bruxelles, le KVS. Dès 2009, elle est programmatrice aux Halles de Schaerbeek. Elle est programmatrice de la saison artistique contemporaine marocaine en Belgique en 2012, intitulé Daba Maroc. Ces dernières années, elle est curatrice associée au Festival international de danse contemporaine de Marrakech, On Marche, et au Festival multidisciplinaire pour le Arab Art Focus program au Caire. Récemment, elle est associée au programme du Festival Tashweesh, Festival multidisciplinaire au Beursschouwburg. Elle participe activement à des projets impliquant de jeunes artistes : dramaturgie de performances, recherche et publications. Elle contribue régulièrement pour son expertise spécifique à des débats publics, en Europe et dans la région de Mena. Elle est également dramaturge et réalisatrice de films documentaires.

Du 6 mai au 10 mai 2019 : Karel Vanhaesebrouck

Ce module vise à comprendre la dramaturgie comme une représentation voire une intervention dans le monde qui est le nôtre, et cela en retravaillant du matériel primaire - texte ou autre - en fonction de la réalité scénique. Qu’est-ce qu'un document, à partir de quel moment un document peut devenir matière théâtrale et/ou performative, quelles stratégies d’enquête pour quel terrain, quel rapport entre le documentaire et le réel, entre la réalité et la théâtralité? Et surtout: quelle stratégie méthodologique pour quel processus de travail? Sur la base de lecture d’essais critiques de Jacques Delcuvellerie, Milo Rau, Slavoj Zizek, Olivier Neveux, Marianne Van Kerkhoven et autres, de vision de spectacles et de discussion, nous aborderons ensemble, entre autres, le sujet de la justice pénale, sa théâtralité et le tribunal comme dispositif à la fois scénique et social. Nous approfondirons la compréhension du va-et-vient compliqué entre écriture et recherche de plateau en développant un exercice d’écriture documentaire à la base d’un travail de terrain personnel. In fine, le but de ce module sera de repenser le rapport de la dramaturgie au réel, et d’avancer, ensemble, sur des questions d’une grande complexité à la fois éthique et artistique qui sont nécessairement liées à toute forme de dramaturgie du réel. 

Karel Vanhaesebrouck est professeur en histoire et esthétique du spectacle vivant à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) où il dirige le centre de recherche en cinéma et arts du spectacle (CiASp). Il enseigne également l’histoire du théâtre et la dramaturgie au RITCS (Bruxelles) et à l’ESACT (Liège). Il travaille en tant qu’auteur et dramaturge, notamment pour Theater Antigone. Il a créé avec Raven Ruell et Jos Verbist les spectacles Tribuna(a)l et Oeps et vient de collaborer avec Sanja Mitrovic sur My revolution is better than yours.