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Lors d’un Half & Half Closer, nous revenons sur les préoccupations qu’un·e artiste a mises au travail à l’occasion de sa résidence à La Bellone. Il y a un Half & Half Closer organisé au terme de toutes les résidences. « Half & Half » comme deux fois trente minutes, une rencontre publique en deux temps. Une première demi-heure d’entretien dans l’espace de travail, conduit et enregistré par l’équipe de La Bellone puis ré-écoutable sur la Compile audio. Une seconde demi-heure, Closer, au Bellone Café du 46 rue de Flandre pour une rencontre informelle avec l’artiste autour d’un vrai half-en-half.

Chère Anouk, 

Je t’écris suite au conseil formulé par Paul Cox au début de son livre Jeu de construction, pour en commencer l’écriture : "Je vais imaginer que j’écris des lettres à quelqu’un que j’aime, et à qui j’ai envie de livrer le détail de tous mes travaux en cours. » C’est d’ailleurs grâce à toi que j’ai découvert ce bonhomme, et je t’en remercie. 

Je suis à La Bellone aujourd’hui et encore pour trois semaines. C’est une résidence que je vais mener seule, pour la première fois de ma vie - j’ai hâte. J’en profiterais pour faire le point : dans quel héritage je me place, quels sont mes outils aujourd’hui et vers quelle direction regarder pour la suite et les prochains projets. Je ressens un besoin de me plonger dans les écrits de celles et ceux qui ont déjà pensés et écris la pratique théâtrale, de se replacer dans le temps (parce que comme a dit l’autre « on voit toujours plus loin quand on est juché sur les épaules de géants »). J’aimerais chercher aussi ce qui pourrait être des outils pour pratiquer au quotidien, pour retrouver ce qui peut s’approcher d’une forme d’artisanat, et pas uniquement d’une pensée abstraite. Par quelles pratiques continuer à travailler sa pierre, à raboter son tronc. 

Je vais poursuivre les questions déjà amorcées : comment utiliser le théâtre comme un espace où requestionner le temps, comme moyen d’écriture et comme rapport au monde? Travail sur le souvenir : comment rendre sensible ce qui est invisible? Comment faire matériau des observations du réel? S’intéresser aux lieux où se forment des communautés de solitudes, aux espaces communs où on peut se sentir chez soi et qui n’appartiennent à personne, où des gens passent et d’autres attendent. (café?)

Je termine cette fausse lettre par une citation découverte hier et qui te plaira surement : « ma plus belle œuvre, c’est l’emploi de mon temps » (Duchamp)

Et encore : « Devenir ce peintre du dimanche pour qui chaque jour serait dimanche » (Dubuffet)

Et (encore merci P.Cox) pour casser la hiérarchie des sens, plutôt qu’ « au revoir », 

Au ressentir, 

Bisous

Magrit

Magrit Coulon, metteuse en scène d’origine franco-allemande, est née à Strasbourg. Formée à la mise en scène à l’INSAS à Bruxelles, elle s’éloigne progressivement du théâtre de texte pour s’intéresser à l’écriture de plateau innervée par une recherche documentaire. Au cœur de son processus : l’architecture et le temps. Comment un espace se raconte ? Comment le temps se déplie ? 

A l’occasion de son mémoire de fin d’étude, elle pose un premier cadre de réflexion sur le temps comme outil de mise en scène. Une exploration qui traverse avec beaucoup de délicatesse Home – morceaux de nature en ruine, spectacle s’intéressant aux maisons de retraite et à celles et ceux qui y résident. Prix Maeterlinck de la meilleure Découverte, ce premier projet fut aussi sélectionné au Festival Impatience à Paris en 2020 et au Théâtre des Doms en 2021.

En parallèle à l’écriture de son prochain spectacle, elle co-fonde avec Bogdan Kikena la compagnie wozu.

L’Avenir, sa deuxième pièce, commence là où Home finit, à la lisière d’une forêt de sapins.