La Bellone

10 > 21/10/2016


L'artiste vient 3 semaines à La Bellone investir un questionnement lié à sa démarche, lié à son esthétique, à son parcours ou à une future création. Au cours de cette résidence, un format de rencontre appelé One to One sera 2 fois mis en place ; ces moments permettent à l'artiste de consulter/interroger un·e spécialiste et de partager son questionnement avec un public. Ces entretiens servent de cadre à la recherche de l'artiste.

Depuis la nuit de temps, nos grands-parents, nos aïeux, ont toujours choisi des espaces ouverts pour plaider leurs causes, pour mieux se faire entendre…

Depuis l'époque coloniale, en Afrique, les rues étaient toujours considérées comme un espace vital et vivant, espace de contestation, pour faire passer des revendications et cela est la règle jusqu'à nos jours… D'où le quadrillage des espaces urbains imposé par les colons, entre cités indigènes et villes blanches.

C'est dans la rue qu'ont été prononcés les discours historiques, emblématiques de changements majeurs dans plusieurs nations, à l'instar des rues américaines avec Martin Luther King, des rues d'Afrique du Sud avec Nelson Mandela, des marches et des sit-in de Gandhi…

A travers les rues comme espace public d'expression, les vécus de douleurs comme de bonheur sont racontés, les injustices et les inégalités sociales dénoncées, les mécontentements exprimés, les velléités dictatoriales dévoilées, les musèlements des libertés individuelles et collectives rapportés avec amertume …. Les rues sont libératoires…   

D'où qu'il soit, où qu'il se trouve, quelle que soit son appartenance, les peuples ont compris que le langage le mieux compris, le plus à même de se faire entendre, les voix les plus audibles, viennent des rues…

Durant la deuxième République, celle du Zaïre du roi maréchal Mobutu, dit Sese Seko, mon pays, la question des rues refait surface avec les manifestations civiles contre les allures dictatoriales de plus en plus inquiétantes de l'homme à la toque de léopard. Des voix qui ont réveillé et conscientisé les Congolais et mené à la chute de ce dernier…

Toutes ces expériences tirées de l'histoire enseignent que les rues sont des vrais espaces de prise de paroles, de discussions ou de partage et surtout de revendications de la part des populations pour dire non à toute manœuvre sacrifiant leurs intérêts au profit exclusif d'un groupe de personnes…

Aujourd'hui aux Etats-Unis, en Espagne, en France, au Brésil, en Afrique du Sud, au Burkina Faso, les jeunes descendent dans la rue pour faire valoir leurs intérêts. Certains français avaient choisi les rues le 31 mars pour faire barrière au projet de réforme du code du travail. Les victimes de terrorisme de Zaventem en Belgique manifestent contre l'impuissance de leur gouvernement aux actions planifiées des terroristes ; le mouvement Black lives matter investit la rue pour dénoncer les violences policières aux Etats-Unis. Les exemples sont si nombreux…

La rue sera-t-elle encore au cœur de l'évolution incertaine de mon pays privé d'élections dans les prochains mois ?

Depuis plusieurs années, de Parlement debout à plus récemment Fanfare funérailles…, je développe dans mon travail une réflexion sur l'espace public : comment l'occuper, comment créer des cadres, des espaces, des mondes éphémères capables de résister au quotidien, aux gens qui passent, au bruit, quelle relation établir avec le public…

Je voudrais profiter de cette résidence pour réfléchir sur ces prises de position politiques qui ont fait de la rue leur cadre… et m'en inspirer dans mon travail…

Comment réfléchir à ces pratiques, à ces usages de la rue comme espace résolutoire des problèmes qui surviennent au sein de nos sociétés, de nos communautés.

Et comment transposer ces espaces symboliques en espaces concrets, espaces de dialogue autour des problématiques propres à nos sociétés. Quelle est l'importance des espaces dans la vie d'une société contemporaine ?

Dans cette perspective, je voudrais aller à la rencontre des rues bruxelloises pour user de leur espace comme un cadre où naitront des idées.

 

Papy Ebotani vit entre Kisangani et Kinshasa (République démocratique du Congo) et est artiste associé des Studios Kabako.

Interprète pour Faustin Linyekula, il danse dans la plupart des créations de Faustin Linyekula dont more more more… future (2009), Sur les traces de Dinozord (2012) et Drums and Digging (2013).   Il s'est formé et a suivi des ateliers auprès de différents danseurs et chorégraphes dont Sylvain Prunenec, Pep Ramis, Meg Stuart, Foofwa d'immobilité ou Boyzie Cekwana, mais aussi dans le cadre d'une résidence pédagogique au Centre national de la danse en 2011. Son premier solo, Na tempo (2004) a été montré en Afrique mais aussi en Europe (Londres, Paris, Caen, Bruxelles...) et au Brésil.

Engundele, un quatuor (2009), est sa quatrième pièce, coproduite par et présentée à la Biennale de Charleroi Danse 09, ainsi qu'à la Biennale Danse l'Afrique Danse de Bamako. En septembre 2010, Papy a été accueilli en résidence au Potager du roi / Versailles à Vélizy dans le cadre du programme "Les Indépendances" résidence au cours de laquelle il a collaboré avec le metteur en scène français Yves-­Noël Genod.

En 2012, il créé avec le kenyan Kebaya Moturi Jogging Kilometers, présenté en première au festival Connexion Kin en juin.

Depuis plusieurs années, Papy développe des projets pour des lieux non--théâtraux : comme Parlement debout (2007), pièce pour un interprète et dix figurants invités à décortiquer l'actualité, ou sa dernière création, Fanfare funérailles qui a investi plusieurs rues et quartiers de Dakar (Scénographies urbaines), de Kisangani et Kinshasa (Connexion Kin 2015), mais aussi de Kigali (Rwanda), Bujumbura (Burundi), Sharjah (EAU) ou la Fondation Cartier à Paris en octobre 2015.

Papy a donné de nombreux ateliers au Brésil, à Bruxelles, Londres, Los Angeles et la Réunion… et enseigne régulièrement au Congo (Kinshasa et Kisangani) et au Rwanda.