La Bellone

10 > 22/04/2017


L’artiste vient travailler 3 semaines à La Bellone pour explorer et développer les éventuelles matières de sa future œuvre. Un format de rencontre/atelier appelé Tender Sessions est mis en place au cours de la résidence. Cette session permettra aux artistes de bénéficier de la collaboration d’un groupe de 10 à 15 personnes ; celles-ci seront à leur service pendant 2 heures pour répondre à leurs besoins.

Parler, ce n'est pas seulement nommer, rendre compte du réel ; c’est aussi, toujours, le façonner, l’interpréter et l’inventer.
Nancy Huston

Au départ, il y a une danse. Elle est là, elle bouge. Elle ne nous a pas été expliquée. Nous ne savons presque rien à son sujet. Nous ne sommes pas certain d’où elle vient, ni où elle va. Celleux qui la dansent, eux·elles-mêmes n’en savent peut-être pas beaucoup plus. Cette danse est là, elle existe et c’est là que nous commençons : dans l’inexplication.
Sur la scène, quelqu’une se tient debout sur une croix. Elle porte un micro attaché aux oreilles. Elle commence à bouger, d’abord en silence puis après quelques secondes, elle se met aussi à parler. Ses paroles naissent de ce qu’elle fait mais parfois s’en décollent aussi. Elle dresse une liste de ce qu’il se passe, tente de formuler quelques opinions, fait des métaphores. Elle prend des détours, liste tout ce qui ne lui parait pas encore clair, imagine ce qui aurait pu être différent, se laisse avoir un souvenir, pose une question. Elle bouge, elle pense, elle parle. C’est une danse perpétuelle.
Considérons la danse non pas comme un objet à comprendre mais comme une activité initiatrice de pensées, susceptible de devenir le lieu d’une conversation. Disons qu’on se met en mouvement pour commencer à penser, à observer, à questionner, à associer, car un corps qui bouge pense différemment qu’un corps immobile.
Dans l’exercice que je nous propose, à moi-même et à celles et ceux qui voudront s’y prêter par curiosité, il ne s’agit pas « d’y connaître quelque chose » ou de posséder un savoir particulier mais de faire avec ce qu’on a et de commencer à penser avec ce qui est là. Cela vaut pour le mouvement du corps comme pour celui de la pensée.
Dans les Danses Inexpliquées, il y a toujours quelqu’un·e qui bouge et quelqu’un·e qui parle en observant. Parfois les deux rôles sont interprétés par une seule et même personne : un·e danseur·euse qui danse et qui parle en même temps. Parfois, nous formons des duos avec un·e danseur·euse et un·e visiteur·euse et on se partage les tâches : le·la danseur·euse bouge dans l’espace et le·la visiteur·euse parle au micro en regardant la danse. Celui/celle qui parle suit une partition qui oriente quelque peu son observation. C’est une partition relativement simple à suivre, une série de légères contraintes qui filtrent en quelque sorte l’approche qu’on peut prendre envers cette danse. Danseur·euse et visiteu·euse forment alors un duo particulier, une sorte de pas de deux dansé et parlé. Le·la visiteur·euse parle de la danse qui se déroule autour de lui/d'elle tandis que le·a danseur·euse écoute ce dont le·a visiteur·euse parle tout en continuant sa danse. On ne sait plus qui influence qui. Toutes les Danses Inexpliquées sont singulières, il n’y en a pas deux pareilles. Le point fixe de ces rencontres, c’est la partition. La danse, elle, est à chaque fois autre selon ceux et celles qui viennent l’interpréter. On appelle ça une partition « ouverte », car chaque participant·e en fera une interprétation différente et l’exercice sera sans cesse renouvelé.
Pratiquer cette partition, c’est se poser la question de par où passent nos regards ? Quelles sont nos associations d’idées ? Et en quoi toute façon de regarder, d’être attentif·ve, peut-elle participer à perpétuer la danse?

Concrètement, durant cette résidence se chevaucheront trois formes de travail autour de la partition des Danses Inexpliquées :

- Laboratoire du·de la danseur·euse - du 10 au 22/04 : le temps de résidence s’ouvre aux praticien·ne·s danseur·euse·s. Les praticien·ne·s désireux·euses de se rencontrer à travers la pratique de la partition sont invité·e·s à s’inscrire pour se joindre à l’entièreté de la résidence, du lundi 10 au vendredi 21 avec possibilité de continuer le samedi 22 si désiré. Nous travaillerons quotidiennement de 10h à 17h, du lundi au vendredi. Pour s’inscrire et/ou obtenir des informations, envoyez un mail à souveraine.iceberg@gmail.com. Quelques lignes sur votre intérêt et sur vous-même sont les bienvenues.  (Maximum 10 participants).

- One performance a day… : chaque midi, à 13h, Manon Santkin performera la partition sous forme de monologue ouvert au public. Le studio accueille les visiteur·euse·s de 13h à 14h. Selon l’évolution du laboratoire des praticien·ne·s, la performance du midi pourra être interprétée par l’un·e des participant·e·s du laboratoire.

- Tender Session - Jeudi 20 de 17h à 19h : Manon Santkin accueille le public pour déplier, raconter et montrer ce que sont les Danses Inexpliquées.

- Rendez-vous Spectateur·rice - Vendredi 21/04, Samedi 22/04 : suite à la Tender Session, les spectateur·rice·s curieux·ses de se faire leur propre expérience sont invité·e·s à prendre rendez-vous pour une session individuelle de Danse Inexpliquée avec un·e danseur·euse. La partition leur sera expliquée et ils·elles pourront en faire l’exercice ensemble. Les sessions auront lieu toutes les heures de 11h à 17h (vendredi) et de 12h à 17h (samedi). Pour prendre rdv, envoyez un mail à souveraine.iceberg@gmail.com

Avec le soutien de [DNA] Departures and Arrivals network, cofinancé par le programme Creative Europe de la Commission Européenne.
Accueil Résidences : MDT (Suède) ; Les Laboratoires d’Aubervilliers (France) ; Kunstenwerkplaats Pianofabriek (Belgique) ; Weld (Suède) ; La Bellone (Belgique)
Accompagnement administratif : Kunst/Werk vzw ; HIROS vzw
Merci à Griet Verstraelen, Chrysa Parkinson, TOGETHER ALONE, Tove Salmgren, Cecilia Lisa Eliceche.

Manon Santkin (1982) est une artiste belge. Dans le champ de la danse contemporaine et des arts performatifs, elle travaille en tant qu’interprète, chorégraphe, dramaturge et assistante artistique.
Diplômée de P.a.r.t.s. en 2004, elle travaille depuis en étroite collaboration avec Mette Ingvartsen et Salva Sanchis et a notamment pris part au travail de Xavier Leroy, Eleanor Bauer, Sidney Leoni, Cecilia Lisa Eliceche, Leslie Mannès et Daniel Linehan. Depuis 2015, Manon est également diplômée du Master en Nouvelles Pratiques Performatives de Doch, l’Université des Arts de Stockholm.
En continuité avec sa pratique performative, Manon développe des projets à géométries variables sous divers média. Elle initie notamment La Bibliothèque de Schrödinger (2012- en cours), un projet lié à l’édition en collaboration avec les designers Nicolas Couturier et Angeline Ostinelli ; By-product (2006-2011), une collaboration avec la styliste Jennifer Defays et la chorégraphe Leslie Mannès sur la performativité du vêtement ; Performance Kit (2012), une recherche en collaboration avec Leslie Mannès sur l’interprétation instantanée d’instructions chorégraphiques.
Occasionnellement, elle publie des textes, cartes et documents sonores dérivés des processus de création et de collaborations auxquels elle prend part (A Dancer is Moving With…/a map for conversation ; The Endless Manifesto ; The Great Code of The Knights of Non-Order ; …).
Elle fait partie du groupe TOGETHER ALONE basé à Stockholm, co-organise les performances We Happen Things avec Tove Salmgren et Moa Franzen (Stockholm) et est l’autrice du livre A Glossary Of The Atlas Of Interpretation. Dans ses travaux actuels, Manon revisite la notion d’interprétation sous l’angle d’une écologie des pratiques et des intelligences, de l’autogestion et de l’interactivité. Elle enseigne occasionnellement en tant qu’artiste invitée dans diverses écoles d’art et supervise les créations d’étudiants (P.a.r.t.s. ; Doch ; ENSAPC).