La Bellone

CONFÉRENCE

Séminaire Dramaturgie. Traces/Inventions

24 > 26/10/2018
10:00 > 17:00


Depuis deux ans maintenant (voir archive sonore intégrale ici), le séminaire dramaturgie, proposé par la philosophe et dramaturge Camille Louis, s'attache moins à retracer l'Histoire d'un art qui, en tant que telle, n'existe pas qu'à tenter de dessiner la cartographie d'une pratique multiple, activée différemment dans le champ des arts vivants et pouvant être prolongée jusqu'en des scènes « hors champs » que sont celles des mouvements politiques, des luttes sociales ou des créations d'idées nouvelles pour
« nous » penser, nous dire, nous (re)présenter au présent. Prenant place dans un contexte contemporain où la multiplication des « drames » diagnostiqués tend toujours plus à nous faire accepter le constat de la fin, de l'arrêt des possibles et de la catastrophe réalisée, le séminaire a tenté d'opérer un pas de côté en orientant son regard sur un ensemble de scènes - artistiques, théoriques et politiques - qui témoignent de la puissance d'agir, de l'énergie des commencements et de la résistance des inventions ; un ensemble de scènes qui présentent, donc, des formes de dramaturgie en articulant autrement le drama et l'ergon, la représentation de l'action finie (drama) et la création qui signifie aussi mouvement (ergon). 

Traces et inventions pourrait être le nom de ce qui s'est déjà écrit en creux de toutes les séances passées du séminaire puisqu'il s'est toujours agit de « voir plus » et de « voir encore » dans les ruines de ce que l'on dit achevé, d'y traquer les traces non d'une matière à archiver en un nouveau texte théorique, mais d'une à activer en une texture composite depuis laquelle nous pouvons continuer : « reprendre pour
inventer ». L'invention n'est jamais la pure création ex-nihilo et l'inventeur ou l'inventrice est le nom que l'on donne, au service des objets trouvés, à celui ou celle qui a « trouvé » quelque chose et décide non de le conserver mais de le ramener vers un espace tiers depuis lequel il retrouvera peut-être son propriétaire initial. Buter, bifurquer, refuser d'ignorer ce qui vient interrompre un chemin « tout tracé » et suivre plutôt les traces inconnues d'une voie non anticipée, une voie alternative en somme : peut-être est ce ainsi qu'avance la dramaturgie. En creux de cette route qui se découvre au fur et à mesure qu'elle s'arpente, un savoir d'un type singulier se dépose. Il ne se dit pas en un concept, il défie la logique de la dé-finition en étant toujours en mouvement et pourtant il inscrit : mouvement et inscription. 

Ce dernier séminaire de l'année 2018 entend donc ressaisir les traces déposées dans les bords du chemin foulé ces deux dernières années et, ainsi, se faire « inventeur » d'une manière singulière et dynamique de documenter ce savoir singulier, ce savoir-saveur qui, pour être singulier, n'a pas à être exclu du champ de la pensabilité. C'est à la collecte de ce savoir manquant, à la tentative de le mettre en forme et partage au croisement de l'écrit et de la vivacité des rendez-vous publics, que Camille Louis consacrera cette nouvelle année d'association dramaturgique avec La Bellone. À suivre... (donc à inventer, en commun).

Camille Louis est philosophe et dramaturge. C'est au sein du collectif européen kom.post  -  co-initié en 2009 avec Laurie Bellanca - qu'elle développe ses différentes expérimentations dramaturgiques, à la frontière de la performance et des formes de débat collectif (La fabrique du commun ; Autour de la table ; L'occupation des ondes...). 

Cherchant à explorer les rapports de la création artistique à l'action politique, Camille Louis ne cesse de reprendre et de déplacer les possibilités contenues dans la notion de dramaturgie (drama : action - ergon : création) au sein d'une pratique « mouvementée » de
celle-ci. Son travail rencontre ainsi une pluralité de scènes européennes (Festival d'Avignon ; Tanz Im August, Berlin ; Biennale de Moscou ; festival Troubles, Bruxelles ; Festival des Quatre Chemin, Port au Prince ; Mir Festival, Athènes ; festival Hors Pistes, Centre Pompidou, Paris et festival Mondes Possibles, théâtre Nanterre-Amandiers dont elle fut dramaturge) qui, chaque fois, redistribue les conditions d'invention d'une écriture en « situation ».
Celle-ci s'incarne aussi dans ses travaux de philosophe qui, pour s'élaborer, partent toujours d'un terrain arpenté, expérimenté, rencontré à partir des récits singuliers plutôt que depuis une grille théorique préposée. C'est notamment le cas des recherches et actions qu'elle mène, depuis plusieurs années, auprès des résistances politiques en Europe (tout particulièrement à Athènes) et des populations exilées (tout particulièrement à Calais, voir notamment : https://blogs.mediapart.fr/edition/la-jungle-et-la-ville )