La Bellone

3 > 15/02/2020
Visuel © Gabriel Maydieu


L'artiste vient travailler 2 semaines à La Bellone au développement conceptuel de sa future création. Elle/Il vient interroger et circonscrire l'ambition esthétique de son projet avant d'entamer la production des matières nécessaires à sa création. L'artiste passera deux journées en dialogue avec une de nos dramaturges associées.

« La performance Jusque dans nos lits donne corps et fait place à la résistance in·visible à la colonialité du pouvoir. Les enjeux de ce travail se situent dans une approche intersectionnelle des termes « race », « corps » et « territoires ».

L'objectif de cette résidence sera l'expérimentation d'une dramaturgie intersectionnelle. Il s'agira de questionner des choix dramaturgiques. Pour ce faire, j'ai l'occasion d'investir la galerie de La Bellone et de transformer cet espace en lieu décolonial.

Le dispositif de la performance propose une série de conversations entre personnes racisées. Dans un container vitré, installé dans l’espace public et/ou en marge d’événements culturels, dans les jardins, halls, cours des théâtres et des musées, j’invite une personne racisée à échanger sur l’objet-prétexte à nos rencontres : le lit.

Comment le politique s’invite  (jusque) dans le lit des racisé·e·s ?

Un échange audible/inaudible rendu visible/invisible au public. Le panel des invité·e·s est large : un·e spectateur·rice/un·e piéton·ne, un·e  membre de l’équipe artistique du  spectacle joué en parallèle, un·e  membre de l’équipe du lieu accueillant et un·e artiste européen·ne ou non de passage dans la ville accueillant le dispositif.

Les spectateur·rice·s non invité·e·s dans ce lieu représentatif du « chez nous » - travail d’architecture d’une  parole située et symbolique du lieu  décolonial - investissent uniquement le champ de l’écoute.

Il s’agit de créer un contexte-terrain suffisamment safe permettant le déploiement d’un échange intime et politique pour faire émerger de nouveaux regards/discours. A la demande des invité·e·s, les rideaux  du container seront tirés ou non, le  direct de la conversation sera audible ou non par les spectateur·rice·s  –  qui peuvent eux aussi choisir  d’écouter ou non, de regarder ou  non l’action. Un moment qui, par  choix, se donne à voir ou non, à  entendre ou non. Le choix de l’écoute sera rendu possible à l’aide de casques et de gsm à la disposition du public, ceci pour tenter de créer un rapport intime à la rencontre. Faire lien avec la pensée dépliée par le biais du chuchotement à l’oreille. L’adresse est singulière, faire comme si l’échange s’adressait à une seule personne comme pratique de résistance à la consommation culturelle de masse.

Le but premier est de créer du lien et du discours entre les racisé·e·s. Questionner nos places et les assignations de genre et de race en se donnant les rôles principaux pour que le privilège du discours change de camp. Dans un espace protégé  des agressions racistes, sexistes,  homophobes, condamnant toutes formes de discriminations, je choisis une partie des conditions pour laisser émerger le trouble,l a joie, la critique du politique et du privé.

C’est aussi placer l’autre -la personne en situation de privilège blanc-  dans  une position de témoin, responsable  et actif·ve sans avoir la parole. C’est lui donner l’occasion de réfléchir à son agentivité.

Ce dispositif nous invite tou·te·s à réfléchir à nos postures, nos conditions et nos héritages.

Observer comment une ville avec son histoire, sa situation géographique, économique et politique assigne une place particulière aux racisé·e·s. Cette performance permettra de révéler dans le singulier l’expérience du commun et du structurel. »

Projet soutenu par La Chaufferie-Acte 1

Avec le soutien du Théâtre Varia – Centre scénique de la Fédération Wallonie Bruxelles (Bruxelles).

Lucile Saada Choquet est une femme noire cis-genre, adoptée, performeuse et féministe décoloniale.
Actrice de formation, elle a souvent dit les mots des autres, surtout ceux des hommes blancs. Désormais elle préfère lire et écouter celleux qui sortent des schémas normatifs du blantriarcat. Elle privilégie l’autodéfinition et l’audace de celleux qui dérangent, celleux qui viennent troubler l’européocentrisme de la notion d’universel. Elle porte son attention sur les intersections de dominations. Les questions de race, de corps et de représentations sont au cœur de sa pratique comme des miroirs de ses réflexions sur les territoires et les pouvoirs. En filigrane, c'est toujours la question du lien qui traverse son travail.

Au printemps 2018 elle commence un cycle d'interventions féministes et antiracistes : Conférence sur le profilage ethnique, Pouvoirs & Dérives I et II, Midis de la Poésie, Certificat en Genre & Sexualité (ULB), Rencontres avec des étudiants de Sint-Lukas (Antwerpen). 

On l'a vu sur la plage de Mur/Mer, création d'Elsa Chêne (Courants d'airs/ Bruxelles, Danse Elargie/ Paris,2018). 

Suite à 3days4ideas (La Bellone), elle contribue au dossier « Qui peut parler ? » du journal Culture & Démocratie

Dans le sillage du mouvement F.(s), elle coordonne avec Céline Estenne un Atelier critique sur les phénomènes de dominations qui sont à l'oeuvre dans le secteur des arts de la scène en FWB, avec un focus genre et race (Arts²)Parallèlement, elle suit la Formation au Militantisme Décolonial proposée par Bamko-Cran.

En septembre 2019, elle co-anime avec Bwanga Pilipili un atelier d’autodéfense antiraciste exclusivement destiné aux femmes racisées (Pratiques de survie en milieu culturel, La Bellone).

Elle travaille actuellement à sa première création Jusque dans nos lits pour laquelle elle collabore avec Habemus Papam.

En avril 2019, elle reçoit une bourse de recherche et développement par La Chaufferie-Acte 1 et mène une résidence de recherche avec le soutien du Varia. En février 2020 elle sera à La Bellone en résidence de dramaturgie, avec le regard de Petra Van Brabandt et la complicité de Bwanga Pilipili.